Ces réseaux qui prédisent l'affluence à bord

C’est le premier critère pris en compte pour organiser le service sur un réseau de transport : la prévision de la fréquentation. Depuis la Covid, la prédiction de l’affluence à bord est aussi devenue déterminante dans les choix de trajets et de modes de transport des passagers. Sur le terrain, opérateurs et Autorités Organisatrices expérimentent des solutions intelligentes pour prévoir les pics et informer en temps réel les passagers. 

À Dijon, des nudges incitent les étudiants à prendre le bus.

Lundi, 8 h 30, quelque part en France. Sur le quai du métro, des dizaines de personnes s’amassent. Une rame entre en station, bondée. L’affluence est à son comble. Les passagers commencent à jouer des coudes pour tenter de se frayer un chemin. Ce sera celui-là, et pas le suivant. Cette scène, bien connue dans les stations de métro des grandes villes, est l’une des cinq principales sources de crispation dans les transports en commun identifiées par l’observatoire des mobilités Keoscopie. C’est même devenu une source d’angoisse depuis la crise sanitaire avec les nouvelles contraintes de distanciation physique. Désormais, l’affluence s’impose comme un critère déterminant dans le choix de trajets des passagers, d’où les efforts conjoints des opérateurs et des AO pour mieux l’anticiper.

Afin d’éviter les scénarios cauchemar, plusieurs villes se sont emparées du sujet de l’affluence. Comment anticiper les pics ? Comment orienter les choix des voyageurs avant leurs trajets ? Sur le terrain, les professionnels de la mobilité innovent avec des solutions d’information et de prédiction d’affluence. C’est le cas de la ville de Dijon, où Keolis Dijon Multimodalité a mis en place une signalétique spécifique à destination de la population estudiantine, afin de faciliter son orientation aux arrêts de bus et de tram de la place de la République. L’objectif ? Décongestionner le tram aux heures de pointe en incitant les étudiants sortant de la ligne T2 à rejoindre l’université via le bus Liane 3 plutôt qu’en empruntant la ligne de tram T1, pour un temps de trajet similaire.

Un dispositif plébiscité, qui a d’ailleurs valu à Keolis Dijon Multimodalité d’être récompensé par l’Agence de l’Innovation pour les Transports.

À Dijon, des flèches colorées plébiscitées par les usagers.

À Besançon, pour anticiper les pics de sur­­fréquentati­on du réseau, Keolis Besançon Mobilités expérimente depuis septembre 2022 l’application Ginko auprès d’un groupe de bêta-testeurs. Celle-ci permet de connaître l’affluence en temps réel sur le réseau, mais également de prédire l’affluence à venir sur le réseau de bus et de tramway Ginko. Les voyageurs-testeurs peuvent ainsi connaître le nombre de voyageurs à l’instant T, la prévision de fréquentation théorique (par type de jour, ligne, arrêt) en fonction des données récoltées par les cellules de comptage, mais aussi la prévision d’affluence ajustée en temps réel à l’arrêt. Résultats à venir dans les prochains mois !

À Twente, les horaires des bus s’adaptent selon la météo.

Sur le réseau lyonnais TCL, la fréquentation a repris des couleurs. En août dernier, l’Autorité Organisatrice lyonnaise SYTRAL Mobilités annonçait près de 400 millions de voyages sur son réseau en 2022, soit une hausse de 19 % par rapport à 2021. Afin de fluidifier le trafic et d’améliorer le confort de tous sur la ligne D du métro (qui enregistre jusqu’à 300 000 voyages par jour), SYTRAL Mobilités et Keolis Lyon ont lancé en novembre dernier une nouvelle expérimentation. Le principe ? Quelques secondes avant l’entrée de la rame en station, des voyants de couleur verte, jaune ou rouge s’allument sur le quai, juste au-dessus de la zone d’ouverture des portes, afin de renseigner les voyageurs sur le niveau d’occupation dans chaque voiture. Un code couleur calculé grâce à deux caméras installées aux stations précédentes, qui scannent l’intérieur de la rame pour en évaluer le taux de remplissage. Testé pendant six mois, ce nouveau service est désormais déployé à la station Sans Souci. Si les résultats sont probants, le dispositif pourrait être étendu à d’autres stations.

À la station de métro Sans Souci, à Lyon, les voyageurs se répartissent dans les rames grâce à des LED de couleur.

Aux Pays-Bas, la ville de Twente utilise de son côté l’intelligence artificielle (IA) pour prédire l’affluence à bord en fonction… de la météo. Avec ses côtes longeant la mer du Nord, les Pays-Bas bénéficient d’un climat tempéré, mais bien souvent humide et nuageux. Des conditions météorologiques qui conduisent régulièrement à une augmentation de la demande en transports en commun, notamment durant la semaine. Afin d’optimiser le réseau de bus, Keolis Nederland a décidé de recourir à un algorithme d’apprentissage profond (dit « de deep learning ») pour analyser les réseaux de bus dans cette région située près de la frontière allemande. L’IA a croisé les données historiques de validation des passagers avec celles des conditions météo à l’heure de départ des bus, pour apporter des prédictions fiables sur le niveau d’affluence sur les différentes lignes. Grâce à ces informations, Keolis Nederland peut adapter et optimiser son offre de transport et la répartition des véhicules selon la météo ! L’IA a pu améliorer la précision des prédictions d’affluence sur le réseau de Twente de 27 % en semaine, et de 66 % le week-end. Un franc succès !

À Besançon, l’application Ginko permet de connaître le niveau d’affluence dans les transports.

Réduction de la surcharge des transports, renforcement de la sécurité, meilleure planification et gestion du réseau, optimisation des coûts : les dispositifs d’information et de prédiction d’affluence sont désormais incontournables pour optimiser la performance des réseaux et améliorer la qualité de l’expérience voyageur. Pas besoin de boule de cristal pour deviner que les solutions de prédiction d’affluence ont de beaux jours devant elles.

En bref

En 2017, la SNCF a mis en place son programme de recherche « Expérience & Cognition », qui vise à mieux comprendre les comportements des voyageurs. L’axe IV de ce projet s’intéresse aux flux et aux comportements des usagers. En 2022, en Île-de-France, une expérimentation en gare a eu lieu avec l’utilisation d’écrans représentant la charge à bord des trains. L’étude devait permettre de mesurer la lisibilité et la compréhension de ces écrans pour les voyageurs, tout en analysant leurs comportements.