La gestion d’actifs va devenir un élément clé et différenciant

pour la transition énergétique du secteur des transports

Rappel

La gestion d’actifs ou asset management est un métier qui consiste à améliorer les performances financières, techniques et environnementales d’un patrimoine (infrastructure ou matériel) pour en optimiser le coût global le temps de sa durée de vie. Ce coût global se divise en deux grandes familles de dépenses : les coûts d’investissements (CAPEX), liées à la conception et la mise en œuvre de l’actif d’une part ; et les dépenses d’exploitation et de maintenance (OPEX) d’autre part, le temps de la durée de vie de l’actif.

Laurent Mezzini, Directeur Business Unit Systèmes chez Systra répond à nos questions

En quoi la gestion d'actifs contribue-t-elle à la transition énergétique ?

Laurent Mezzini : Il y a deux réponses à cela. Tout d’abord, en décidant de prolonger la durée de vie d’un tramway de 20 à 40 ans par exemple, l’asset management permet d’améliorer le bilan énergétique et environnemental d’un actif, en évitant les dépenses d’énergie et les émissions liées à la construction de nouveau matériel.

Ensuite, parce qu'elle prend en compte l’efficacité énergétique d’un actif ainsi que son profil d’émission de CO2, elle permet de réduire l’empreinte environnementale de ce dernier, tout en favorisant la sobriété énergétique.

Comment est-elle devenue un levier stratégique pour la transition énergétique des transports ?  

Laurent Mezzini : Historiquement, l’énergie ne représentait qu’une part relativement minoritaire des coûts liés aux transports. De fait, les motivations à investir pour plus d’efficacité énergétique et moins d'émissions de CO2 étaient assez limitées, et plutôt poussées par les pouvoirs publics au travers de la législation et des incitations financières types bonus-malus, taxe carbone, etc. Seuls quelques réseaux de taille importante avaient la capacité de mettre en œuvre des programmes très structurés à cet égard.

Aujourd’hui la transition énergétique, qui vise à transformer radicalement le paysage de la production et de la consommation d’énergie de ces 30 prochaines années, change la donne. La démarche globale d’asset management intègre désormais les objectifs carbone à chaque étape de la vie d’un actif, de sa conception, à son exploitation et sa maintenance, jusqu’à sa fin de vie. Elle permet, entre autres, de prendre en compte l’impact d’un plan de renouvellement ou de maintenance sur ces objectifs carbone, et ce, sur l’ensemble du système de transport.

En moyenne, la durée de vie des ouvrages est de 80 à 100 ans et celle des matériels roulants de 20 à 50 ans. Qui peut dire quel sera le prix de l’énergie ou de la tonne de CO2 dans 10, 20, 30, 40 ou 50 ans ? Nul ne le sait. En revanche, on peut avancer sans trop se tromper que leur valeur va augmenter significativement dans les prochaines années et que la disponibilité de l’énergie et la volatilité de coût va devenir un sujet de préoccupation central.

Quel impact cette prise en considération du facteur énergétique aura-t-elle sur le design et la programmation des infrastructures de transport ?

Laurent Mezzini : Le premier impact sera au niveau de la phase de conception : il faut pouvoir anticiper l’évolution des usages, du climat et de la technologie dès l’investissement initial afin de limiter le coût global de l’actif. Ensuite, le coût de l’énergie et de la tonne de CO2, auront un impact sur le CAPEX et l’OPEX beaucoup plus important que par le passé. La gestion d’actifs doit donc désormais intégrer des scénarios d’évolution de ce coût, pour bien questionner les choix dès le départ.

Chez Systra, nous avons développé des solutions pour simuler, évaluer et consolider des scénarios de transition pour accompagner la gestion patrimoniale de nos clients. Nous pouvons citer Carbon Tracker qui est une solution adossée à une base de données carbone, compatible avec la technologie building information modelling (BIM), qui mesure, pilote et maîtrise les émissions de carbone à chaque phase d’un projet. On pense souvent à la phase d’exploitation pour la limitation des émissions, notre retour d’expérience montre que pour certains systèmes comme le tramway les émissions liées à la construction de l’infrastructure peuvent être plus importantes que celles de son exploitation.

L’asset management peut permettre, entre autres, de mieux planifier les rénovations en milieu de vie des actifs et le passage à des technologies alternatives au Diesel, moins émissives.

Quel impact la performance énergétique va-t-elle avoir sur l'exploitation et la maintenance du transport public ?

Laurent Mezzini : La gestion de la consommation de l’énergie et des émissions de CO2 va devenir un aspect primordial dans les décennies à venir. Nous le constatons d’ores et déjà avec l’augmentation de la part du coût de l’énergie dans les opérations et l’évolution des réglementations liées aux émissions de CO2. Voici un aperçu au travers quelques exemples pratiques, de comment la performance énergétique va impacter l’exploitation et la maintenance du transport public dans les prochaines années :

  •  En France, environ 1000 trains régionaux arrivent à la moitié de leur vie. 700 trains diesel sont en opération. Dans le même temps, l’ouverture à la concurrence fait apparaître de nouveaux acteurs. La programmation des opérations de verdissement des flottes, synchronisées avec les opérations de rénovation, offre des opportunités d’efficacité énergétique et de réduction des émissions. Cela nécessite une anticipation de la part des donneurs d’ordre, en l’occurrence les Régions.

  • Le parc de Tramways en France arrive également en milieu de vie. Bien que fonctionnant déjà grâce à la traction électrique, leur efficacité peut être améliorée en travaillant notamment sur l’éclairage, la climatisation, le chauffage et l’efficacité de la motorisation.

  • Les dépôts de maintenance représentent également un poste de consommation important. En travaillant sur l’éclairage et la ventilation / chauffage, mais aussi sur l’efficacité énergétique des bâtiments, des gains significatifs peuvent être obtenus.

  • La transition énergétique des flottes de bus est un des éléments clés de la transition ; elle vise à remplacer les bus diesels par des systèmes composés de bus électriques ou BIOGNV et d’infrastructures de recharge. Les enjeux de ces projets sont le dimensionnement optimal de la flotte et des infrastructures, la gestion pilotée de la recharge, des pics de demande et des contrats énergétiques associés.

  • Dans les réseaux de métro, les pics de demandes en énergie peuvent être limités par un phasage entre les accélérations et les freinages, tout en optimisant la récupération de l’énergie du système. L’automatisation des métros permet de réaliser ces gains tout en améliorant la résilience des systèmes de transport et en réduisant leur coût d’exploitation.

Conclusion

Tous ces défis ont un coût. Et tout l’enjeu de la gestion d’actifs est de réunir les acteurs du transport, autorités organisatrices de la mobilité, opérateurs, industriels autour de la transition énergétique, car la démarche doit être globale et partagée pour réussir.