Tribune Marie-Ange Debon
Le climat change. Inondations et vagues de chaleur ne sont plus des épisodes isolés. Nos opérations de bus, tramways et métros doivent mieux résister à ces aléas afin d’éviter les interruptions de trafic mais aussi pour préserver le confort des voyageurs et les conditions de travail de nos collaborateurs. Keolis a lancé ce chantier de la résilience.
Il faut se rendre à l’évidence : les épisodes climatiques exceptionnels n’ont plus rien d’exceptionnel ! Les pluies diluviennes à Dubaï, les canicules en Inde et aux Etats-Unis, les inondations en série en France sont venues, ce printemps, nous le rappeler une fois encore. Si la fréquence de ses phénomènes augmente, leur intensité également. Nos conditions de vie, au quotidien, sont déjà lourdement impactées avec des températures plus élevées l’été, des pluies plus fortes, des sécheresses plus intenses, des tempêtes plus violentes… Un seul chiffre : l'occurrence de vagues de chaleur en France est passée d'un été tous les 5 ans, avant 1989, à une fois par an, depuis l'an 2000, selon Météo France.
Dans ce contexte, nos transports publics doivent impérativement s’adapter. C’est une nécessité absolue. En premier lieu, pour des raisons de sécurité bien sûr ! En second lieu, seulement pour éviter des interruptions de lignes, des ruptures de ce service essentiel pour la vie dans nos agglomérations et territoires, mais également pour préserver, toute l’année, le confort des voyageurs et les conditions de travail de nos salariés. Keolis a pris les devants. D’abord en identifiant l’exposition de nos sites et de notre réseau aux risques climatiques. Nous avons ainsi réalisé, avec un expert « climat et risques », un état des lieux de 1000 de nos sites dans 11 pays (dépôts de bus, rails). Cette étude a permis d’identifier les risques climatiques les plus impactants pour les services de bus, de métros ou de tramways que nous exploitons : les fortes pluies entrainant des inondations, des crues et des glissements de terrain, d’une part, les vagues de chaleur, d’autre part. L’audit a également mis en lumière les zones les plus exposées de notre réseau : Dubaï, la vallée du Rhône et la Côte Sud-Est en France, la province de Liège en Belgique, certains Etats aux USA et l’Australie.
Bilan : dans ces régions en priorité, et sur tous nos sites progressivement, nous déployons des solutions pour anticiper et se préparer à la gestion de ces événements, limiter les dégâts et rétablir au plus vite le service de transport public. Pour renforcer notre résilience à court terme, ces plans d’actions reposent principalement sur des mesures organisationnelles, adaptées à chaque site. Par exemple, revoir la localisation de dépôts d’équipements sensibles à la chaleur ou, pour le matériel roulant, définir des lieux de mise en sécurité en zones non inondables.
Nous revoyons également dans le détail nos procédures en cas d’incident afin de gagner en efficacité. Dans la région de Boston, en septembre dernier, de graves inondations ont submergé le système de drainage situé près d’une gare et emporté le sol sous deux voies d’un train de banlieue. Nos équipes ont collaboré avec celles de la Massachusetts Bay Transportation Authority (MBTA) pour reconstruire le lit de la voie ferrée et améliorer le système de drainage de la zone. Le service a été rétabli en huit jours ! Une belle performance.
A moyen terme, nous visons une adaptation « curative », c’est-à-dire des actions techniques rapides qui permettent d’atténuer les conséquences des aléas climatiques. Exemple : à Melbourne, sur le réseau de tramways Yarra, nous avons posé des films de protection solaire sur les baies et les portes de tramways qui pourraient faire baisser la température à l’intérieur de 6 à 9°C. Nous allons également peindre en blanc les capots des climatiseurs sur les toitures des tramways afin de protéger ces appareils qui se mettent « en défaut » lorsque les 50°C sont atteints. Ainsi, nous réduisons les risques de panne et les perturbations du trafic.
Autre exemple : à Bordeaux, nous testons sur certaines rames de tramways le système « Fresh Air » qui permet le renouvellement de l’air « intérieur » (plus tempér é) au lieu de l’air « extérieur » (plus chaud). Ce procédé, qui nécessite de recycler cet air intérieur pour expurger son CO2, permet de fiabiliser les climatiseurs et d’économiser de l’énergie. En parallèle, pour diminuer les effets d’éventuelles inondations, nous procédons à une série de vérifications et de renforcements de l’étanchéité des équipements.
Enfin, nous travaillons à l’adaptation « préventive » à long terme. Il s’agit ici, en coopération avec les autorités organisatrices de mobilité, de repenser les infrastructures. Par exemple, revoir la conception des arrêts de bus ou de tramways en permettant des courants d’air ; disposer d’une climatisation séparée pour les chauffeurs ; revoir, avec les constructeurs, le choix des matériaux et le design des rames et des bus pour augmenter leur résistance à la chaleur. Pour rendre les infrastructures moins vulnérables aux inondations, c’est le circuit des eaux de pluie (récupération, évacuation, etc.) qu’il faut, dans certains cas, modifier.
On le voit, ces actions nécessitent du temps, de la concertation et pour certaines, des investissements conséquents. Keolis est déjà engagé dans cet ambitieux chantier. Les transports publics contribuent de manière essentielle aux politiques d’atténuation, mais celles-ci apparaissent de plus en plus insuffisantes face à l’objectif 1.5° des Accords de Paris. Alors, adapter nos réseaux de transports publics aux nouvelles conditions climatiques n’est plus une option, c’est un défi pour lequel nous sommes tous pleinement mobilisés.
Marie-Ange Debon, Présidente du Directoire du groupe Keolis.