Ce mercredi 12 novembre, Abdellah Chajai et Jérôme Fourquet ont présenté en exclusivité les résultats d’une grande enquête menée par Keolis et l’IFOP sur les attentes des Français en matière de mobilité à moins de cinq mois des élections municipales.
Réalisée auprès de 4 000 personnes représentatives de la population française, cette enquête met en avant, parfois à rebours des idées reçues, les usages, perceptions et priorités des Français en matière de transport du quotidien, du cœur des métropoles jusqu’aux territoires périurbains et ruraux.
La mobilité reste au cœur des attentes malgré un bilan positif du précédent mandat
La mobilité : le premier enjeu du prochain scrutin
La mobilité s’impose comme un enjeu central du débat municipal. Interrogés sur les financements à affecter entre les principales politiques municipales, les Français consacreraient 1/3 de ce budget à la mobilité (voirie, transports et mobilité), loin devant l’entretien des écoles ou l’environnement.
Un consensus solidaire qui dépasse les clivages
Premier constat la voiture ne fait plus rêver :
56 % veulent continuer limiter la place de la voiture en ville,
32 % préfèrent maintenir la place qu’elle a aujourd’hui,
12 % veulent en développer l’usage.
Par ailleurs les Français sont solidaires, puisque 64 % d’entre souhaitent que les investissements publics soient concentrés sur les territoires les moins bien desservis, quitte à ralentir les projets dans les zones déjà bien équipées.
S’ils devaient décider de financer des politiques pour améliorer les mobilités, ils dépenseraient :
45% pour les transports en commun dont 25% pour « développer l’offre »,
25% pour réduire le coût du carburant,
Le reste de manière équilibrée sur d’autres politiques (vélo, verdissement des flottes, etc.)
Il existe très peu d’écarts selon les sensibilités politiques : ainsi les citoyens de gauche mettent 12% des crédits sur le vélo, contre 10% à l’extrême droite, bien loin des caricatures opposant les bobos de gauche des centres aux automobilistes RN des périphéries.
Une mention assez bien pour le mandat qui se finit en matière de mobilité (12/20)
Interrogés, les Français attribuent une note de 12 sur 20 sur la politique de mobilité à leurs édiles sortants. 60 % jugent positivement les transformations du centre‑ville, contre 26 % d’avis. L’adaptation du centre‑ville est considérée « bien adaptée » par 75 % des piétons, 65 % des familles, 64 % des visiteurs extérieurs et 61 % des cyclistes ; elle est jugée « inadaptée » pour 48 % des automobilistes et pour 47 % des personnes âgées.
Les attentes pour le prochain mandat : continuer, mais adapter le rythme
Pour le mandat à venir, les habitants priorisent clairement le développement des transports en commun : 41% en font la priorité, devant l’amélioration de la sécurité dans les TC (20%) et la baisse de leur coût (11%). La séparation des modes progresse dans l’opinion : 43% approuvent de réserver une partie des voiries aux bus, vélos et piétons (48% dans les grandes villes).
Sur le rythme, 36% veulent poursuivre les politiques actuelles, 16% préfèrent ralentir, 14% revenir en arrière et 12% jugent la politique trop calquée sur d’autres villes, ce qui plaide pour un phasage lisible et territorialisé des transformations.
Des signaux faibles et alertes à intégrer
Saturation cognitive et conflits de mobilité
Plus de 7 Français sur 10 perçoivent une hausse des conflits de mobilité ces dernières années sur ce sentiment est perçu sur l’ensemble du territoire. Parallèlement, environ 33 % jugent les mobilités douces « dangereuses et inconfortables ». Ces tensions produisent des tensions et une hypervigilance qui pèsent sur les publics fragiles et l’ambiance de la ville. Ainsi 54% des citoyens souhaitent multiplier les espaces dédiés à certains modes.
Centres‑villes : un bien commun sous tension
62% des citoyens déclarent éprouver du plaisir à se promener en centre-ville. Mais 25% Français déclarent s’y rendre de moins en moins souvent. Parmi les facteurs d’explication :
33% des Français se sentent « bienvenue et à leur place » dans les centres-villes,
39% sont gênés par les flux ou en se sentent en insécurité.
Les transformations en matière de mobilité, les conflits, la vacance des commerces ou le départ de familles ont transformé l’ambiance.
Des habitants de périphérie plus critiques
Hors zones denses, la dépendance à l’automobile est plus forte : 47% des habitants de petites communes rurales se sentiraient isolés sans voiture. Ils sont d’ailleurs 55% dans ces territoires à estimer à que leur droit à la mobilité n’est pas respecté. Les habitants des grandes métropoles (Paris, Lyon, Lille, Bordeaux) affichent la satisfaction la plus élevée (6,4/10), tandis que ceux du périurbain (5,5/10) et des zones rurales (4,8/10) expriment davantage de frustration, citant un manque de dessertes, de fréquence et de continuité de service.
Le consensus du bus
Le transport public comme réponse préférentielle
Quel que soit le mode d’interrogation, les transports en commun arrivent en tête des priorités des citoyens : 30 %, devant la marche (22 %), la voiture (19 %) et le vélo (16 %). Cette préférence s’accompagne d’un idéal de mobilité où l’on mixe déplacements à pied et en bus.
Le bus et le tram s’imposent comme des espaces « pacificateurs », moins anxiogènes, avec une présence humaine qui rassure. Les conducteurs de bus et de tram font l’unanimité, 95% et 98% des répondants estiment qu’ils ne sont pas usagers de la voirie avec qui la cohabitation est la plus difficile. Cet atout d’ambiance et de lisibilité renforce le consensus autour du développement des réseaux de surface, perçus comme des solutions concrètes pour apaiser la ville et améliorer la vie quotidienne.
L’offre plutôt que le prix, mais une vigilance sur le pouvoir d’achat
53 % des répondants jugent les transports en commun « abordable. Ils ne sont que 32% à juger les TC trop chers par rapport à la qualité de service, contre 43% pour l’eau ou 69% pour l’électricité. En revanche, seuls 10 % d’entre eux sont prêts à payer « plus cher pour des services plus performants ». Quant aux autres sources de financement, seuls 11 % accepteraient davantage d’impôts pour améliorer l’offre ou baisser les tarifs et 14 % un stationnement plus cher. 53% des répondants se retrouvent dans l’année en situation de découvert, ce qui explique la réticence à payer plus.
La gratuité, souvent perçue comme attractive de prime abord, suscite des réserves : 82 % expriment au moins une crainte : dégradation de la qualité de service (19 %), hausse des incivilités/sentiment d’insécurité (20 %), surfréquentation (16 %).
